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Il m’est impossible de compter le nombre de fois où j’ai dissimulé ma migraine aux autres. Comme je vis avec des migraines chroniques depuis plus d’une décennie, j’ai passé une grande partie de ma vie à tenter de dissimuler ma maladie aux gens qui m’entourent.
Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles les gens qui vivent avec la migraine pourraient chercher à se cacher. Nous avons peur que les personnes qui nous entourent ne comprennent pas (et c’est souvent le cas) ou nous ne voulons pas être perçus comme « des personnes malades ». Bien des fois, nous dissimulons la douleur que nous éprouvons parce que nous ne voulons pas rater notre vie.
Ma capacité de me dérober aux regards est à la fois une bénédiction et une malédiction. D’un côté, j’ai la chance de pouvoir traverser la vie sans que personne sache que j’éprouve une douleur incessante. D’un autre côté, je sais si bien dissimuler ma douleur que les gens ont souvent de la difficulté à croire que je suis malade.
Dans le présent article, je vais vous parler des trois fois où j’ai essayé de dissimuler ma migraine aux gens qui m’entourent. À en juger par les apparences, j’avais probablement l’air bien. À l’intérieur, toutefois, j’éprouvais une douleur insoutenable en raison d’une crise migraineuse.
Rien ne me rend plus heureuse que voyager et partir à la découverte de nouvelles cultures. Malheureusement, le virus du voyage ne va pas de pair avec une douleur incessante. Pendant quelques années, j’ai négligé d’entreprendre de longs voyages en raison des inconvénients que comporte ma maladie. Cela dit, j’ai sauté le pas récemment et effectué un voyage en Europe avec une amie intime.
Le voyage a débuté à Copenhague. J’ai fait en sorte de demeurer hydratée durant la première étape. Nous avons passé le plus clair de notre temps à nous promener au hasard ou à nous attabler dans des cafés. Nous avons parlé, lu, bu de la tisane et flâné à la lueur de chandeliers inodores. Ne pas forcer l’allure m’a aidée à tenir ma douleur migraineuse en échec.
Notre deuxième destination était Prague. À ce moment-là, ma migraine était encore légère, mais le manque de sommeil et les déplacements incessants ont commencé à me rattraper. Malgré tout, je considère que j’ai eu de la chance, car ma douleur n’avait encore jamais atteint son paroxysme depuis le début du voyage.
À mon arrivée à Amsterdam, notre destination finale, j’étais en état de choc; le voyage tirait à sa fin, et je n’avais pas eu à m’arrêter en raison d’une crise migraineuse. Je n’avais jamais eu une veine pareille.
Vers la fin de l’avant-dernier jour du voyage, je pouvais sentir la douleur augmenter insidieusement. J’avais l’impression qu’un orage approchait, et chaque unité de cette pression barométrique variable me tenaillait le cerveau alors que nous errions dans les rues de Jordaan.
C’est alors que la douleur m’a transpercée comme un coup de poignard. J’ai vécu les événements de ce jour-là dans une sorte de brouillard et je suis toujours surprise de constater à quel point j’ai l’air normale sur les photos que nous avons prises pendant que la migraine était en train de prendre possession de ma personne.
Comme en bien d’autres occasions semblables par le passé, je suppose que je ne voulais pas être une rabat-joie en mettant fin à la journée à cause de la douleur que je ressentais. Je ne voulais pas gâcher les vacances de mon amie, qui avait investi du temps et de l’argent dans ce voyage. Je ne voulais probablement pas que ma migraine la prive du plaisir de visiter cette ville en ma compagnie.
Je n’arrive pas à me rappeler comment je suis retournée à notre hôtel après la crise migraineuse et je ne sais pas avec certitude si j’y suis retournée seule ou si mon amie m’y a accompagnée. Je ne sais pas non plus si elle est restée avec moi dans ma chambre ou si elle s’est aventurée de nouveau dans les rues de Jordaan. Par ailleurs, mes lunettes de soleil et les clés de ma chambre avaient disparu.
Ce dont je me souviens, c’est d’avoir bu du café dans les tasses qui se trouvaient sur la table de nuit. Je me rappelle aussi que mon amie m’a massé la tête pendant que j’étais étendue sur le lit de notre chambre, qui donnait sur un canal.
Quoique j’étais triste à l’idée que nous avions toutes les deux perdu un après-midi et une soirée de notre voyage à cause de la douleur que j’éprouvais, je m’estimais malgré tout très chanceuse. J’ai eu l’occasion d’explorer l’Europe avec une amie très chère qui m’a mise à l’aise et m’a permis de me sentir complètement détendue. Je reconnais que le lien qui nous unit est quelque chose de rare et de très spécial.
Ma meilleure amie était sur le point de se marier, et elle a décidé d’enterrer sa vie de fille à Scottsdale, en Arizona. J’avais dans l’idée que mon vol en partance de New York serait dur, et je ne m’étais pas trompée. La douleur à la tête que j’éprouvais était aggravée par le stress causé par le va-et-vient de l’aéroport et a commencé à empirer avec la pression en vol. J’ai fait de mon mieux pour m’hydrater avant, pendant et après le vol, mais ça n’a pas servi à grand-chose.
Malgré ma douleur, j’étais aux anges de revoir mes amies et de retrouver ma bande d’amis du secondaire tous ensemble au même endroit. Je voulais profiter pleinement de la fin de semaine. Heureusement, notre groupe était du genre tranquille. Je ne m’attendais pas à ce qu’on boive beaucoup ou à ce qu’on fasse la fête jusqu’à une heure avancée, et cela a facilité les choses.
La douleur m’a un peu affaiblie, mais la première journée et la première nuit se sont très bien déroulées. Malheureusement, j’ai dû rentrer après le souper en raison de ma maladie, alors que le reste de la bande a passé la soirée dans un bar.
Le deuxième jour, je me suis réveillée avec un mal de tête carabiné. Je me rappelle que j’étais incapable de me mouvoir et que je me démenais pour soulever ma tête de l’oreiller. Dans mon for intérieur, j’aboyais des ordres : « Dani, tu dois absolument sortir du lit. MAINTENANT! ». Je n’y arrivais pas. Ma tête était décidément trop lourde.
Cette fin de semaine était importante pour moi, et je ne supportais pas l’idée d’en rater un seul instant. Nous avions projeté une courte randonnée pédestre ce matin-là, mais rien de trop exténuant. Je tenais par-dessus tout à entreprendre cette promenade avec mes amies. J’ai appuyé sur le bouton de rappel de sonnerie, dans l’espoir que quelques minutes de sommeil en plus me feraient du bien.
N’importe quel autre jour, je serais restée au lit, mais cette excursion comptait trop pour moi. Je voulais être là pour mon amie. Je ne sais toujours pas comment j’ai trouvé l’énergie de le faire, mais j’ai réussi à m’extirper du lit. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’étais à mi-chemin du sommet de la montagne.
Cela dit, je serais coupable de négligence si j’oubliais de brosser le portrait du groupe coloré qui a escaladé la montagne à mes côtés. La plupart des filles avaient oublié d’apporter de l’eau pour leur promenade dans le désert. Nous portions toutes une camisole affichant le message suivant : Save Water. Drink Wine. [Économisez l’eau. Buvez du vin.] À un moment donné pendant l’escalade, une des filles s’est mise à pleurer. Un peu plus tard, une autre de mes amies s’est mis du brillant à lèvres avant de poser pour notre photo de groupe. Ensemble, elles ont rendu l’expérience plaisante, et je suis arrivée je ne sais comment à arborer un sourire et à profiter au maximum de la randonnée, vraiment.
Encore aujourd’hui, je suis fière d’avoir réussi à sortir du lit ce matin-là et d’avoir ainsi pu profiter au maximum de la journée en dépit de ma migraine. Ce n’est pas juste que je voulais être là pour profiter de la journée — je voulais être là pour mon amie à un moment aussi excitant et aussi spécial de sa vie.
Après un souper d’Action de grâces avec les membres de notre famille élargie, ma mère, mon frère et moi sommes retournés à la maison pour passer du temps ensemble. Passer du temps avec ma maman et mon frère est un événement rare et digne de mention. Nous sommes dispersés d’un bout à l’autre du pays, et il peu fréquent que nous nous trouvions tous les trois au même endroit en même temps. Je savais qu’il me fallait profiter au maximum de cette occasion.
Malheureusement, vers la fin du souper, j’ai senti venir la migraine. J’ai commencé à être terrassée par la douleur pendant que nous étions sur le chemin du retour en voiture. Ma mère m’a dit qu’elle préparerait du café dès notre retour à la maison. Boire du café est une tactique qui fonctionne pour moi à l’occasion en atténuant la douleur. En l’espace de quelques minutes, j’en ai ingurgité deux tasses.
Tandis que nous bavardions tous les trois après nous être installés sur le sofa du salon, ma douleur s’est mise à empirer. Je ne me suis même pas rendu compte que des larmes coulaient sur mes joues, car je me concentrais de toutes mes forces sur ma respiration.
Je fais souvent appel à une technique de respiration que j’ai apprise par moi-même pour garder mon calme et essayer de ne pas m’en faire au sujet de la douleur que je ne peux pas maîtriser. Je me concentre sur chaque inspiration et chaque expiration en répétant les paroles suivantes dans ma tête à chaque respiration : « Inspire »… « Expire ». Dans des moments comme celui-là, je refuse d’accepter le fait que, une fois de plus, ma migraine s’apprête à me priver d’instants précieux de ma vie.
Malheureusement, la caféine n’a pas eu les effets escomptés. J’ai passé les deux heures qui ont suivi affalée de tout mon long sur le sol glacé de la salle de bains de ma mère. J’avais envie de vomir et j’essayais désespérément de soulever ma tête du plancher, mais je n’y arrivais pas, car elle était lourde comme du plomb.
J’ai de la difficulté à croire que la personne étendue sur le plancher de la salle de bains est la même que celle qui se trouve sur la photo ci-dessus, prise quelques minutes plus tôt seulement.
Ces exemples, et surtout les photos qui les accompagnent, nous rappellent qu’il ne faut pas se fier aux apparences, puisqu’elles ne reflètent pas nécessairement la réalité. Nous pensons souvent que nous savons ce qu’une autre personne traverse, alors que nous n’en avons pas la moindre idée.